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Le racisme, c’est leur quotidien
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Tout commence avec la polémique autour de « l’affaire » Boateng, un exemple typique de scène raciste qu’on rencontre très souvent dans le milieu du football italien. Sauf que cette fois, la victime a décidé d’envoyer un « signal fort » dans ce milieu. En effet, victime des cris à caractère raciste lors d’un match amical entre l’AC Milan et une petite équipe de 4ème division Pro Patria, le Ghanéen Kevin Prince Boateng et ses coéquipiers de l’AC Milan quittent le terrain à la 26ème minute de jeu, ce 3 janvier 2012. cf europe1
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Après un bref post de la polémique sur mon profil facebook, un ami vivant en Italie me contacte pour me raconter le calvaire qu’il vit au quotidien en tant que footballeur professionnel. « Le racisme a toujours existé, mais il faut vraiment le vivre pour comprendre » me dit-il.
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J'ai ainsi profité de son témoignage inédit pour en recueillir d’autres.
N’ayant été personnellement que très rarement et indirectement victime de racisme, j’ai été bouleversée par certaines histoires, tellement elles paraissaient invraisemblables.
Ça peut faire sourire, mais je me suis demandé si on vivait dans le même monde.
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Par cet article, j’ai voulu tout simplement montrer le calvaire psychologique que vivent certains Africains dans leur quotidien en Italie. Dans le métro, au boulot comme au dodo, le racisme les hante.
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TEMOIGNAGES
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Mbiama, footballeur – Bologne
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"Après ce qui est arrivé à Boateng, des gens m’ont appelé pour me demander mon point de vue sur le racisme, si j’en avait été victime et si je me plaisais en Italie.
Le racisme est une réalité ici en Italie, je le vis au quotidien. En 7 ans de résidence ici, j’ai tellement vécu de choses que je pourrais en écrire un livre".
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L’incident du stade
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C’est dans le football que j’ai sans doute vécu l’un des pires moments de ma vie en Italie. Je vis souvent le martyre dans certains stades ici.
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Un jour, on a un match à disputer. Pendant le match, je me fais copieusement insulter par certains ignorants dans les tribunes. On me traite de tous les noms. A chaque fois que je touche au ballon, les gens crient « buuuuuuuuuuuuuuuuh ». Mais ce n’est pas ça le pire. A ma grande surprise, l’un de mes adversaires qui jouait sur mon coté s’y met aussi. Il me dit « singe, elle est où ta queue ? » C’est à peine s’il ne me crache pas dessus.
A un moment, je n’en pouvais plus. Je me sentais inutile et j’en voulais à ma peau. Sur le moment, j’ai regretté d’être noir. A la mi-temps, j’ai coulé des larmes aux vestiaires et j’ai demandé à l’arbitre pourquoi est-ce qu’il se taisait face à tout cela. Il m’a juste répondu : « il faut être fort dans ta tête Mbiama ».
Par la suite, j’ai demandé la permission au coach de rester dans les vestiaires, car je ne pouvais plus continuer à jouer dans ces conditions. Faut vivre le racisme pour savoir ce que ça fait à l’intérieur. C’est vraiment difficile de vivre dans ce pays.
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L’incident du train
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Sais-tu combien de fois en ville on m’a dit « singe rentre dans ton pays ou sale noir » ? Je minimise toujours la chose, mais un jour je n’ai pas pu supporter et j’ai tapé sur un monsieur. Je sais que certains Italiens sont très ignorants, mais des fois on n’en peut plus face aux insultes.
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Un jour je suis dans un train aux heures de pointe. Le contrôleur dépasse tous les « blancs » qui sont devant et se dirige tout droit vers moi. Il me demande mon billet de transport. Possedant effectivement un billet et sachant que je n’ai rien à me reprocher, je refuse de le lui montrer et je lui demande d’aller d’abord contrôler tous les passagers qu’il a dépassés. Ce dernier menace d’appeler la police ; gardant mon sang froid, je l’encourage vivement à le faire. Il finit par s’éloigner pour soit disant appeler la police, et il n’est jamais revenu.
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C’est pareil dans le métro comme dans le bus. Quand tu entres dans le bus, les femmes serrent fortement leur sac à mains contre elle, car être noir est égal à être voleur. Tu t’assois à côté d’un Italien, il se lève. A peine entrer dans une boutique, le type de la sécurité te suit comme un voleur, alors que les autres sont en train de faire tranquillement leur shopping. Nicole, j’ai trop subit d’humiliation dans ce pays. S’il n’y avait pas de loi, je ne sais pas ce que j’aurais déjà fait…
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Quand je pense qu’on leur déroule le tapis rouge en Afrique alors que chez eux ils nous traitent comme des animaux, j’ai vraiment mal. C’est triste. »
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Léthisia, médecin – Bologne
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« Le racisme se vit partout en Italie, on n’est épargné nulle part. Dans les bureaux, dans la rue, partout. Ici, les noirs ne vivent pas, mais ils survivent pour beaucoup d’entre eux.
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Comme je suis médecin, je suis régulièrement en contact avec des patients. Et comme c’est souvent le cas, certains patients n’ont pas envie qu’une noire les touche. Un jour, j’ai touché un patient et ce dernier a brutalement fait un signe de croix ! C’est un signe qui ne trompe pas.
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Le geste le plus classique c’est celui où les gens se lèvent quand tu t’assoies à coté d’eux dans le bus. J’ai tellement vécu ce genre de chose que cela pourrait remplir une bible.
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Mon expérience à l’école
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Quand j’étais encore à l’école – surtout en première année de médecine –, mes camarades de classe ne voulaient pas s’assoir à coté de moi. Ils sautaient souvent trois rangés de banc pour être le plus éloignés de moi. Personne ne voulait s’assoir à coté de la noire…
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maintenant je prends tout cela à la légère, car je n’ai pas le choix. Quand je venais d’arriver en Italie, je pleurais souvent. Mes études ont été très difficiles. Mais maintenant je ne me laisse plus faire, c’est du œil pour œil et dent pour dent !
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Dans les stages à l’hôpital, les tuteurs me discriminaient. Ils expliquaient des choses à mes camarades italiens, et pas à moi. C’était pire durant les examens.
Quand j’avais la note de 18/20, on disait qu’une noire ne peut pas être aussi intelligente; et conclusion, on me traitait de tricheuse. « Balok ! »
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Ykrysler, étudiant – Ferrara
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« Nicole, voici mon témoignage sur la vie "d'un africain en Italie"
J'ai fait une partie de mes études en Italie, à Ferrara plus précisément. Déjà mon premier jour en Italie m'a maqué parce que j'ai été choqué. En effet, dans le train qui partait de Bologne pour Ferrara, un Italien m'a snobé… quand je me suis assis à coté de lui, il s'est immédiatement levé et a commencé à murmurer je ne sais quoi ! Je ne parlais pas encore cette langue à l'époque. Malgré le fait que j’avais de la famille partout dans le monde, j’avais décidé d'aller dans ce pays par défi, car on y accordait des bourses à l’époque…
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Petites anecdotes blessantes
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Un jour, je faisais mon jogging. En passant près d'un jardin, un Italien a carrément lâché son chien sur moi JE TE JURE! Il lui disait de poursuivre le nègre, je dis bien "nègre", pas "noir" !
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Une autre fois c’est à la télévision dans une Emissions phare appelé STRICIA LA NOTICIA que j'ai vu une chose terrible! Un élu du peuple, maire dans une région du Sud de l'Italie, a déclaré je cite : " la peau du nègre sent même quand elle est lavée " ! Non mais tu t'en rends compte ? Et il n'a reçu aucune sanction, on trouve ça normal! Du grand n'importe quoi. Dans d'autres pays comme la France par exemple où je sais il y a encore du racisme, mais déguisé, il aurait rendu sa démission illico presto et aurait été sévèrement sanctionné !
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En fac, il faut carrément faire un triple effort pour être considéré !
Quand tu t’arrêtes aux feux de signalisations, une femme arrête son sac comme si tu allais l'agresser ! Alors que les noirs sont très peu impliqués dans des histoires de vols à l’arraché.
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J’ai eu à discuter avec certains Italiens et parmi eux, rares sont ceux qui on déjà vu Milan ou Rome depuis qu'ils sont nés ! De plus, je parle un italien mille fois meilleur que le leur. Quand tu vas au boulot, ils se disent que tu n'es rien, mais quand ils regardent ton CV et apprennent que tu es en fac et tu as un très bon niveau, ils sont frustrés, et se demandent comment un nègre peut être aussi intelligent ! Pour certaines Italiens qui sont nés dans les montagnes et qui n’y sont jamais sortis, un noir est forcément un idiot stupide et sans cervelle.
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Bref, le quotidien des noirs, disons des étrangers en Italie n'est pas rose. Il est pratiquement impossible de s’intégrer. Ils ne te facilitent pas la tache même s'ils connaissent tes mérites ! Il y a beaucoup de personnes qui préféreraient rester en France comme sans-papiers que de vivre en Italie avec les papiers ! »
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Listy, étudiante – Padoue
«Je n’ai pas vécu une expérience particulièrement marquante, juste des actes de tous les jours qui te font comprendre que tu n’es pas chez toi.
En Italie le fait d’être noir crée encore un blocus dans des domaines simples et même dans l’esprit des italiens, comme par exemple ne pas trouver facilement les petits jobs pour arrondir les fins de mois, la difficulté de trouver un appartement, la collocation avec des étudiants italiens des fois très désagréables car ils te considèrent par moment comme un idiot et ont même de la peine a devoir utiliser les mêmes choses que toi. Tu peux te retrouver isolé à la fac, à moins que certains se rendent compte que tu es intelligent et viennent vers toi…
Je ne saurais te citer tous ces petits comportements désagréables auxquels on essaie de s'habituer. La liste est très longue.
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Ma philosophie est de ne pas trop m’attarder sur ces choses, car je sais que j’y serai toujours confrontée de toute façon. Si on s’y attarde trop, on pourrait bien finir pas se suicider dès lors qu’on est confronté à un raciste. Il faut considérer chaque raciste comme un ignorant, et lui faire comprendre qu’il n’en vaut pas la peine car des racistes, il y en aura toujours. Quand tu réagis de manière intelligente à un Italien raciste, il te lèche les bottes et souvent se rend compte de son idiotie (et encore heureux !)
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Je pense que chacun a son expérience personnelle face au racisme. Malgré tout, j’ai beaucoup d’amis italiens avec qui je partage beaucoup de choses. Certains sont même plus gentils et ouverts avec moi que certains noirs. Ce sont eux qui ont le courage d’apprendre à te connaitre. »
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Patrick K – étudiant, Rome
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« Il y'a tellement d'épisodes négatifs. On te rappelle tout le temps que tu es étranger.
Dans le centre historique, les gens te montrent du doigt parce qu’ils ne sont pas habitués à voir des noirs.
A la bibliothèque, les gens se bouchent le nez quand tu passes près d’eux. On nous fait régulièrement passer pour des délinquants nous les noirs ici à Rome. »
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Une anonyme
« Les Italiens nous montrent le hélélé ici » (Ils nous mènent la vie dure).
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Propos recueillis par Nicole Jimbe, pour mia-culture.com