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Affaire DSK : l'avocat de la plaignante se déchaîne contre le parquet
LEMONDE.FR avec AFP | 01.07.11 | 21h33 • Mis à jour le 01.07.11 | 22h03
Index accusateur, récit très cru de ce qui se serait passé, selon la victime présumée, au Sofitel de Manhattan le 14 mai : Kenneth Thompson, l'avocat de l'accusatrice de DSK, a lancé vendredi une charge virulente contre le procureur, qu'il voit déjà se diriger "vers un non-lieu".
C'est que Me Thompson, habitué des apparitions théâtrales, a senti le vent tourner. Pour preuve : s'il conspuait Dominique Strauss-Kahn à longueur de "unes" au début de l'affaire, le tabloïd New York Post montrait vendredi un ancien patron du FMI dont le sourire était barré du titre "Bombe dans l'affaire DSK", la "bombe" en question étant le témoignage de la jeune cliente de Kenneth Thompson, accusée d'avoir livré un "récit erroné" par le procureur Cyrus Vance.
"HÉMATOMES AU VAGIN"
Alors, à l'issue de l'audience qui a vu DSK bénéficier d'une libération sur parole, l'avocat n'y est pas allé de main morte. "La seule défense de Dominique Strauss-Kahn est que cette relation sexuelle était consentie. Je vais vous livrer les faits qui montrent que c'est un mensonge", a lancé Kenneth Thompson sur un ton vindicatif.
Et quels faits. DSK a d'abord "empoigné" les seins de la plaignante, selon lui. "Il a ensuite saisi son vagin avec une telle force qu'il l'a blessée", a assuré l'avocat, expliquant que des infirmières "ont pris des photos des hématomes au vagin" qui sont "en possession du procureur".
"LIGAMENT DÉCHIRÉ"
Cette scène teintée d'une violence inouïe dans les mots de Kenneth Thompson se poursuit lorsque M. Strauss-Kahn "jette la victime à terre et lui déchire un ligament à l'épaule. C'est un fait médical". C'est, selon le défenseur, le moment où DSK "a agressé sexuellement" sa cliente. Renchérissant sur les détails, Kenneth Thompson a expliqué que la jeune femme s'est levée, "elle a couru vers la porte et, de dégoût, a commencé à recracher le sperme de Dominique Strauss-Kahn à travers la chambre".
Impeccable dans son costume, Kenneth Thompson porte l'accusation non plus seulement sur Dominique Strauss-Kahn mais sur le procureur, Cyrus Vance. "Je pense qu'il a peur de perdre dans cette affaire", a-t-il lancé.
LA VICTIME VA TOUT RACONTER
"Il y a quelques semaines", a rapporté Kenneth Thompson, il se trouvait lui-même en déplacement lorsque le procureur et son équipe ont eu un entretien avec sa cliente et sa fille de 15 ans. "Quand je suis revenu à New York, j'ai parlé à la victime et j'ai vu sa fille. Elles avaient toutes les deux les larmes aux yeux. Elles m'ont dit que les gens du parquet leur avaient crié dessus à plusieurs reprises", a raconté l'avocat.
Dernier acte dans cette plaidoirie sur un bout de trottoir, Kenneth Thompson a donné sa conclusion : "Ce qu'il faut que vous compreniez est assez simple. Je pense que le procureur est en train de jeter les fondements d'un non-lieu. Cela crève les yeux."
Pas vaincu pour un sou, annonçant la couleur pour la prochaine fois, le défenseur s'est fait menaçant, expliquant que la victime présumée "va arrêter de se cacher. Elle va se présenter à vous tous et elle va vous raconter ce que Dominique Strauss-Kahn lui a fait".
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Si aux Etats-Unis la presse se montre plus clémente envers DSK à la lumière des rebondissements de l'affaire, en Guinée, la rue a du mal à digérer le revirement de situation. DSK a profité de sa première soirée de liberté pour aller dîner dans un restaurant italien huppé de New York. L'ancien patron du FMI a été libéré sur parole mais il reste poursuivi notamment pour crimes sexuels. Les enquêteurs disent avoir relevé de nombreuses incohérences dans le témoignage de la femme de chambre concernant son agression.
Présent au sommet de l'UA à Malabo, le président guinéen Alpha Condé a confié à RFI sa réaction plutôt mitigée : « Nous sommes tous les deux membres du Parti socialiste, le PS français est membre comme nous de l'Internationale socialiste, donc je suis très heureux pour lui. Et j’espère que des souffrances ne vont pas le marquer.
Par contre, évidemment, la dame est une Guinéenne. Il est du devoir du chef d’Etat de la Guinée de défendre tous les citoyens guinéens. Nous allons voir comment nous pouvons lui venir en aide, parce que la Guinée doit défendre ses enfants, partout où ils sont. Nous verrons bien comment nous pouvons l’aider ».
« On veut faire de la fille une marchandise, alors que c’est une victime »
A Conakry, on accepte difficilement le retournement de l'affaire DSK, comme en témoignent plusieurs Guinéens rencontrés dans la capitale :
« Vraiment, ce que nous venons d’entendre sur l’affaire de DSK, les nouvelles révélations, ça nous a beaucoup surpris. On a compris vraiment que la justice américaine est indépendante, mais c’est l’argent qui travaille. Parce que Nafissatou – la façon dont on nous a expliqué – c’est une fille qui n’est pas allée à l’école, elle est illettrée. Elle ne connaissait pas DSK. Comment on peut dire encore qu’elle est mêlée à l’affaire de drogue aux Etats-Unis ? »
« Ca démontre une fois de plus qu’il n’y a pas de justice réelle dans le monde et que ceux qui sont pauvres sont toujours brimés par ceux qui sont nantis. Et l’affaire Nafissatou ne répond qu’à ce jeu. C’est le monde à l’envers.
Alors jusqu’à présent, la police américaine n’avait pas su qu’elle était en train de faire le blanchiment d’argent, qu’elle était dans la drogue, qu’elle était dans la mafia. Quel était alors le rôle de la police, alors qu’elle travaille dans un établissement hôtelier le plus moderne du monde ? ».
« Que Nafissatou ait un passé douteux, qu’elle n’ait pas un passé douteux, ce n’est pas à cette occasion qu’il faut tenter de la salir. Moi je crois que le problème c’est que l’argent de DSK est en train de parler, et tout le système américain risque de se retrouver corrompu dans cette affaire. C’est ça la vérité. C'est-à-dire qu’on veut faire de la fille une marchandise, alors que c’est une victime ».
L'indulgence soudaine de la presse américaine
Avec notre correspondant à Washington, Jean-Louis Pourtet
Spécialiste des titres chocs, le tabloid New York Post écrit en énormes caractères : « Bombe dans l’affaire DSK ». Les autres quotidiens, tels le Wall Street Journal, soulignent tous « l’étonnant revirement de situation ». « Strauss-Khan est libéré alors que le réquisitoire du parquet chancelle », titre le New York Times.
« L’assignation à résidence est levée, l’accusation affaiblie », enchaîne le Washington Post. Le Los Angeles Times cite une avocate locale qui a défendu des victimes de personnalités riches et puissantes. Pour elle, le non-lieu est probable et elle le déplore, car dit-elle, « il y a toujours la possibilité qu’une victime qui a menti dans le passé ait été violée dans le présent. »
Les trois grandes chaînes de télévision, ABC, NBC et CBS ont toutes ouvertes leur journal du soir avec la liberté sur parole de l’ancien ministre. Le correspondant à Paris de CBS donne la réaction des Français et cite un sondage montrant une hausse de 5% du taux de popularité de DSK depuis sa libération.
L’ancien patron du FMI semble jouir de la même indulgence de la part des Américains : dans un sondage en ligne du New York Daily News, 68% sont favorables à l’abandon des charges, en raison du manque de crédibilité de l’accusatrice.