Polémique autour du dernier livre de Jean Ziegler
Publié le 03 juin 2009 |
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Culture(s) :
La rédaction à jugé nécessaire de publier le commniqué de presse paru le 25 décembre 2008 critiquant le livre de Monsieur Jean Ziegler, et ce, dans le souci d'informer nos lecteurs. Nous leur laissons le soin de se faire leur propre opinion.
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PARUTION DU DERNIER LIVRE DE JEAN ZIEGLER
Le CRAN s’insurge contre la « haine de l’Occident » attribuée aux Africains et dénonce le Prix littéraire des droits de l’Homme décerné à l’ouvrage ! Ancien rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation et auteur de plusieurs ouvrages dénonçant l’exploitation éhontée dont ils font l’objet, M. Jean Ziegler vient de publier un livre ayant pour titre La haine de l’Occident (Albin Michel). Pour les « qualités de forme et de fond de l'ouvrage », cet homme engagé « au service des peuples les plus exploités du monde », a reçu le 10 décembre à Paris le Prix littéraire des droits de l’Homme, décerné par l’organisation NDH (Nouveaux droits de l’Homme).
Certes, par la démarche de l’auteur, le livre se veut un vibrant plaidoyer en faveur de la « mémoire blessée et humiliée » des peuples du Sud et contre celle «dominatrice » et « arrogante » de l’Occident. Il dénonce à juste titre le refus de l’Occident d’accorder l’attention nécessaire aux revendications des peuples à qui ils ont confisqué leur liberté et humanité. L’intention est donc des plus nobles et louables, lorsqu’il s’agit, pour Jean Ziegler, d’inviter l’Occident à réfléchir sur la nécessité de créer les conditions du dialogue et de la construction d’une société humaine planétaire réconciliée.
Il n’empêche que, par ses prémisses et la substance des considérations mises en avant, le livre est un véritable procès d’intention fait aux peuples africains en particulier. Ainsi, leurs revendications et leurs luttes historiques légitimes pour la simple justice deviennent autant d’expressions de « haine de
l’Occident », notamment lors de la Conférence mondiale contre le racisme organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud), en 2001, et à laquelle plusieurs ONG participèrent. Comme en témoigne l’extrait ci-dessous :
Durban fut un échec total.
Dès le premier jour, la haine de l’Occident éclata. Au nom de la coalition des ONG africaines, Alioune Tine attaqua : « Nous exigeons que l’esclavage et le colonialisme soient reconnus comme un double holocauste et crime contre l’humanité. Nous exigeons réparation de la part de l’Occident pour le pillage des matières premières, le déplacement forcé des populations, les traitements inhumains et la pauvreté actuelle de l’Afrique, fruit de cette histoire de crimes et de spoliations » (pp. 70-71)…
Pourtant, dans la Déclaration finale de Durban, et en des termes tout aussi durs, la communauté internationale à l’unisson (à l’exception des Etats-Unis et d’Israël) a exprimé la même volonté de
justice, en accordant pour la première fois la pleine reconnaissance historique à au moins une des tragédies des peuples Noirs longtemps minimisées, en ces termes :
« Nous reconnaissons que l’esclavage et la traite des esclaves, en particulier la traite transatlantique, ont été des tragédies effroyables dans l’histoire de l’humanité, en raison non seulement de leur barbarie odieuse, mais encore de leur ampleur, de leur caractère organisé et tout spécialement de la négation de l’essence des victimes; nous reconnaissons également que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité et qu’il aurait toujours dû en être ainsi, en particulier la traite transatlantique, et sont l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée(…) »
Par ailleurs, pour appuyer sa thèse, M. Ziegler n’hésite pas à se référer à l’expression de la colère
dénonciatrice d’écrivains Noirs aussi respectables que Wole Soyinka (Prix Nobel de littérature) et, surtout, de feu Aimé Césaire, transformés implicitement en chantres de la « haine de l’Occident ».
Face à cette intolérable oeuvre de stigmatisation, le CRAN, organisation engagée depuis 2002 dans la lutte pour la dignité, le respect et les droits humains des Noirs, tient à faire la déclaration suivante :
• Le CRAN condamne énergiquement le détournement très grave et inacceptable, par M. Ziegler, des sentiments qui ont animé et qui continuent d’animer les Africains dans leurs nobles aspirations et luttes pour la justice, l'égalité et la dignité. Aspirations et luttes qui sont universelles.
• Le CRAN dénonce en particulier la stigmatisation des hauts faits de l’histoire récente des Noirs ainsi que la négation de la parole des victimes dans leur lutte légitime, notamment lorsque M. Ziegler réduit explicitement les justes revendications des ONG africaines à Durban à l’expression non rationnelle et violente d’une « haine de l’Occident ».
• Le CRAN estime également que, en cherchant à apposer le sceau de cette émotionnelle « haine de l’Occident » sur les aspirations historiques et légitimes des peuples Africains, M. Ziegler les blesse profondément dans leur mémoire, surtout lorsqu’on pense aux illustres résistants à l’oppression occidentale, tels Toussaint Louverture, Chaka Zulu, Samory Touré, Kwame Nkrumah, Lumumba, Malcolm X, Sankara ou Mandela. Qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont jamais été motivés par la haine, que celle-ci soit « raisonnée » ou « irraisonnée ».
• Le CRAN exprime particulièrement sa perplexité devant le silence assourdissant de M. Ziegler (qui a préféré illustrer sa thèse par le cas sans relief du Nigéria) sur la leçon historique, démonstration africaine d’anti-« haine de l’Occident », donnée au monde par le peuple Noir sud-africain. Bien que spolié de sa terre ancestrale et de ses richesses, devenu sur sa terre un étranger soumis à une autorisation pour tout déplacement, ses droits et sa dignité bafoués constamment par un système haineux d’apartheid d’essence occidentale et bien soutenu par plusieurs Etats occidentaux, ce peuple a su engager de sa propre initiative, sans haine, la reconstruction d’une société réconciliée, en mettant fin à l’odieux système. Car, la culture de la haine n’est pas d’essence africaine !
• Le CRAN considère que, la haine appelant la haine, ce livre est une véritable incitation insidieuse à
la haine raciale. A ce titre, il inquiète le CRAN, en particulier au moment où l’UDC revient au gouvernement fédéral. Ce parti xénophobe qui avait diffusé dans toute la Suisse des affiches haineuses sur un mouton noir peut à la première occasion raviver ce climat de haine raciale qu’il aime entretenir. Le livre de Jean Ziegler pourrait y contribuer en renforçant les ressorts de cette haine qu’il va légitimer. Du reste, lorsqu’un individu entend qu’un autre a la haine contre lui, cela n’encourage chez lui ces opportunités de dialogue que M. Ziegler appelle pourtant de ses voeux dans son livre et auxquelles le CRAN reste également très attaché.
• Le CRAN invite en conséquence M. Jean Ziegler à daigner,
1) Présenter formellement ses excuses aux communautés Noires qui, à travers le monde, et une fois surmontée leur incrédulité, se sentent profondément blessées dans leur mémoire et dans leur dignité, et qui éprouvent également comme une trahison le fait de réduire les porte-paroles de leur sentiment d’injustice (Aimé Césaire, Wole Soyinka) en écrivains haineux ;
2) Retirer partout dans le monde l’édition actuelle des rayons des librairies, pour la remplacer par une nouvelle édition purgée de ses références à l’Afrique. Incitation à la haine raciale, ce livre concourt à détruire l’énorme capital de sympathie et d’admiration que beaucoup d’Africains aimeraient continuer à préserver à l’éndroit de M. Ziegler;
3) Effectuer un grand geste envers les Communautés Noires et les peuples Africains en remettant volontairement le Prix littéraire des droits de l’Homme qui lui a été décerné pour un livre aussi
offensant et ainsi entaché.
4) Rechercher le dialogue avec les organisations militantes issues des peuples dont il prend si volontiers la défense, notamment à l’occasion de la publication d’ouvrages les concernant. Du reste, le CRAN reste disposé à tout débat public avec M. Jean Ziegler sur les points controversés de son livre, en particulier quant aux aspects réducteurs et offensants de celui-ci. Il ne manquera pas de prendre des initiatives à cet égard.
Le Conseil de Gestion du CRAN
Pour contact :
- André Loembe (vice-président), 079 345 08 52 - aloembe@bluewin.ch
- Mutombo Kanyana (secrétaire général), 022 343 87 93, 079 754 54 85, kanyana@espaceweb.ch
Communiqué de presse envoyé à :
- M. Jean Ziegler, Genève
- M. Wole Soyinka, écrivain, Abuja (Nigéria)
- M. Alioune Tine, porte-parole à Durban de la Coalition des ONG africaines, Président de la RADDHO, Dakar
- ONG Nouveaux Droits de l’Homme (NDH), Paris
- Editions Albin Michel, Paris
- Presse nationale et internationale représentée en Suisse
- Presse africaine
- Ambassadeurs des pays africains en Suisse
- Commission fédérale contre le racisme (CFR), Berne
- Office du Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l'Homme (OHCDH), Genève
- Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines du racisme, OHCDH, Genève
- Secrétariat de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Strasbourg
- ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains
- ONG et associations africaines
CRAN – Communiqué de presse 25 Décembre 2008